Sell in may and go away : vérifions le dicton

28 avril, 2021

En bourse, il existe de nombreux dictons pour guider les investisseurs dans leur quête de plus-values et de dividendes. Ces dictons font appel au bon sens : ne pas acheter un couteau qui tombe, il faut acheter au son du canon et vendre au son du clairon, etc. Mais quand les beaux jours reviennent, la presse spécialisée nous sort un bon vieux marronnier : Sell in May and Go Away. En bon français, on pourrait traduire ce dicton par : vends en mai et disparais (des marchés).

Ce "conseil" boursier se base sur des statistiques puisqu'en moyenne, les marchés montent plus de Novembre à Avril, que de Mai à Octobre. Mais est-ce une bonne stratégie à appliquer systématiquement en bourse ? Dans cet article, nous allons faire quelques analyses statistiques et backtests (grâce à notre ami Python) pour débunker ce célèbre adage boursier.

La performance mensuelle historique du S&P 500

Tout d'abord, focalisons-nous sur la performance moyenne du S&P 500, par mois, de 1927 à aujourd'hui (2021). Premier constat, en moyenne, la performance du mois de Septembre est négative (-1.03%). Les mois de février et de mai sont également légèrement négatifs.

Performance mensuelle moyenne du S&P 500

Les meilleurs mois de l'année sont Juillet (+1,59%), Avril (+1.45%), Décembre (+1.33%) et Janvier (+1.21%) : le fameux rallye de fin d'année attendu par tous les investisseurs.

Performance semestrielle du S&P 500

Si on agrège les données par période, on peut constater que la performance de Novembre à Avril (+5.27%) est nettement supérieure à la performance réalisée entre Mai et Octobre (2.16%).

Les statistiques ne mentent pas, il est préférable d'être investi en bourse de Novembre à Avril. Mais peut-on en tirer une stratégie de trading pour battre l'indice, tout en réduisant le draw down ?

Appliquer le dicton à la lettre ?

Pour vérifier s'il est profitable de Sell in May and Go Away, faisons appel à notre ami Python. Nous allons tester plusieurs scénarios :

  • Benchmark (ligne bleue) : simple position Buy and Hold sur le S&P 500
  • Long Only (ligne verte) : acheteur de Novembre à Avril sur le S&P 500, cash les autres mois
  • Buy & Sell (ligne orange) : acheteur de Novembre à Avril et vendeur (à découvert) les autres mois sur le S&P 500
Application du dicton Sell in May and Go Away (1927-2021)

Tout d'abord, le scénario Buy & Sell est à exclure. La performance annuelle est ridiculement faible (0.91%) couplée avec un long et important draw down. Il aurait été préférable de mettre vos petits sous sur un livret A que d'appliquer cette stratégie.

Maintenant, analysons la performance Long Only (de Novembre à Avril) avec notre Benchmark. Sans surprise, la performance annuelle du dicton est inférieure de 156 points de base au benchmark. Mais la perte maximale est également inférieure à une simple stratégie Buy and Hold.

Cependant notre analyse est polluée par le krach boursier de 1929 (notamment sur l'analyse du draw down). Alors je vous propose de grimper dans ma DeLorean DMC-12, accélérons jusqu'à 88 miles à l'heure pour nous téléporter directement dans les années 50 !

Les résultats sont confirmés, il est toujours plus rentable d'être Buy and Hold que d'appliquer le proverbe Sell in May and Go Away. Cependant, les adeptes du dicton boursier connaissent des périodes de baisse beaucoup moins violentes que les autres investisseurs.

Si vous êtes effrayé par la volatilité des marchés, appliquer stricto sensus ce proverbe peut être une bonne idée. Quoi que, si on est effrayé par la volatilité, je pense qu'il est préférable de ne pas être investi sur les marchés financiers...

Est-il possible d'optimiser le dicton ?

Quand j'ai travaillé sur ces quelques backtests, je me suis demandé s'il n'était pas possible d'optimiser l'application de ce proverbe. Autrement dit Sell in may, mais pas tout le temps... Mon premier réflexe a été de me demander si la performance de Mai à Octobre est mauvaise peut être est-ce parce que la performance de Novembre à Avril a été très élevée ?

Je me suis donc amuser à croiser la performance des deux semestres. Puis à tracer une droite de régression linéaire. Mais comme on peut le voir ci-dessous, il n'y a strictement aucun lien entre les performances passées (Novembre - Avril) et à venir (Mai à Octobre). D'ailleurs, le coefficient de détermination (r2) est de 0.001 donc poubelle !

On n'est pas plus avancé, mais rappelons nous que le mois de septembre est l'un des pires mois en terme de performance boursière. J'avais calculé la performance moyenne de chaque mois, mais cette moyenne est une mesure très imparfaite puisqu'elle ne tient pas compte de la volatilité (des extrêmes).

Septembre, le mois maudit ?

Alors refaisons cette analyse en prenant la médiane. Pour rappel, la médiane est une valeur X qui permet de couper l'ensemble des valeurs en deux parties égales. Autrement dit, si on prend la performance médiane de janvier : 50% du temps, la performance de janvier est supérieure à 1,55% et 50% du temps, elle est inférieure à 1,55% !

Performance médiane du S&P 500

Et comme on peut le voir ci-dessus, il n'y a qu'au mois de septembre que la performance médiane est négative. Une année sur deux, la performance du mois de septembre est inférieure à -0,25%. Alors peut-être que le proverbe devrait être Don't buy in September ? Pour vérifier cela, faisons à nouveau appel à notre serpent favori !

Backtest de la stratégie cash (Long Only) / short (Buy & Sell) en septembre

Et sans surprise (performance moyenne et médiane négative), solder ses positions en septembre permet de battre l'indice tout en réduisant le draw down. Mais comment expliquer ce phénomène ? Existe t-il un phénomène logique qui contraindrait les américains à vendre leurs actions pour dégager quelques liquidités ?

En faisans des recherches, je suis tombé sur quelques théories qui pourraient expliquer ce phénomène :

  • inquiétude à l'approche des publications du troisième trimestre (et de la fin d'année), les investisseurs deviendraient de plus en plus frileux ;
  • les fonds clôturant leurs années en septembre vendent les canards boiteux pour améliorer la présentation de leurs actifs (window dressing) ;
  • prise de bénéfice après des bons mois boursiers pour payer l'acompte d'impôts sur le revenu (15 septembre) ;
  • effet auto-réalisateur : historiquement, le mois de septembre est mauvais donc, je vends quoi qu'il arrive.

Je ne sais pas vous, mais je suis assez peu convaincu par ces explications. D'autant plus que si je me focalise sur les 10 dernières années, solder ses positions au mois de septembre n'est pas une stratégie très rentable...

Alors, on vend en mai ?

Comme on a pu le voir au cours de cet article, vendre ses actions en mai n'est pas une stratégie qui permet de battre l'indice. Au mieux, on peut limiter le Draw Down de quelques pour cents. Si l'on souhaite optimiser le dicton Sell in may and Go away, on peut se contenter d'exclure le mois de septembre, c'est-à-dire de vendre ses positions le 31 août et de les racheter le 1er octobre. Ce qui permettra de battre l'indice SI le passé se répète.

Avant de faire cette étude, je n'étais pas convaincu de l'utilité de ce proverbe. Et cette étude le confirme, chiffres à l'appuie. De plus, cette stratégie ne se base sur aucun élément qui pourrait expliquer le phénomène. D'ailleurs, je suis sûr qu'on pourrait se baser sur les mouvements astronomiques pour définir des périodes d'achats / ventes. Vendre les jours de pleine lune, acheter les jours de grandes marées, etc.

Pour gagner en bourse, il faut se fier uniquement à des éléments qui offrent un avantage backtesté à long terme ! Et notamment notre poids des évidences. Alors si cet article vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner à la newsletter (c'est gratuit et sans SPAM). Et si vous avez des idées d'indicateurs, stratégies ou de proverbes à backtester, n'hésitez pas à me le dire dans les commentaires.